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la COP21, vue par des conférenciers du GREP

J’ai sollicité les conférenciers du GREP, membres du GIEC, à réagir à mon post sur le Blog du GREP.

Voici les 1ères contributions : Youba Sokona et Christian Gollier.

Tous deux étaient intervenus le 10 Octobre 2014 lors d’un débat organisé par le GREP. Ils sont membres du WG3 du GIEC, Youba Sokona (Malien) en étant co-président.

J’ai donc le plaisir de les publier ci-après.  

Cher Jean-Marie,

Merci pour ton message. Je partage totalement le point de vue de Christian. Oui en effet sur tous les plans la CdP21 a été un succès. Elle a de loin enregistré la plus nombreuse participation de toutes les CdP sur la plus grande  espace jamais couverte par une CdP. Elle a rassemblé à son ouverture le plus grand nombre de Chefs d’Etat et de Gouvernement.

La diplomatie française a été exceptionnelle.

Mais il m’a semblé que l’on a vite oublié pourquoi on était à Paris. La hantise du succès de la CdP a pris le pas sur la question du climat et comme le dit si bien Christian l’accord n’offre aucune réponse claire aux questions de fond.

Nous sommes tous optimistes et nous menons tous le même combat depuis plusieurs années mais il faudrait que nous regardions la réalité en face. Travaillons ensemble pour faire du succès de Paris un élan nouveau pour le véritable combat qui sera dur, long et fastidieux.

Avec mes amitiés.

Youba Sokona

Directeur de recherches émérite au CNRS,

Co-président du troisième groupe d’experts du GIEC

 

Cher Jean-Marie,

Les résultats de la COP21 dépassent de beaucoup mes espérances. Chapeau à la diplomatie française, vraiment. On peut difficilement espérer mieux, en particulier compte tenu de l’opposition républicaine au Congrès américain.

Je sais qu’il n’est pas bon de critiquer l’accord. Comme l’écrivait ce week-end Alain Grandjean, critiquer l’accord,  c’est faire le jeu des climatosceptiques.  Je sais aussi combien s’exprimer sur ce sujet impose des marqueurs idéologiques et politiques dans un environnement médiatique français qui a toujours eu de la peine à regarder les arguments de fond autrement que sous ces prismes. Malgré les efforts du GREP.

Comme tu le sais, je suis un défenseur d’une politique climatique d’envergure, efficace et gagnante. Hélas, l’accord obtenu à Paris samedi, même s’il est le mieux qu’on puisse espérer aujourd’hui, n’offre aucune réponse aux questions fondamentales, comme les fuites de carbone ou la justice climatique (rien n’est dit sur le financement du Fonds pour le Climat hors des banalités jamais engageantes). La transparence est à géométrie variable. Aucun mécanisme de punition des free-riders n’est suggéré (accord « non-intrusif, non-punitif »). Qui peut croire que la bonne volonté, ligne directrice unique de l’accord, peut résoudre un problème d’une telle envergure. Il faut être sérieux, voir qu’au mieux, la COP21 n’est que le début mal ficelé d’un très, très long combat.

Tu trouveras ci-après mon texte publié samedi par Atlantico.

Amitiés,

Christian GOLLIER

Visiting Professor, Economics Dpt, Columbia University
Professor (on leave), Toulouse School of Economics

Université de Toulouse-Capitole

21 Allée de Brienne, F-31015 Toulouse

Web:  http://www.tse-fr.eu/people/christian-gollier

 

Texte de Cristian Gollier publié samedi 12/12/2015 par Atlantico

 Accord sur le climat : générations présentes 1 – Générations futures 0

Ce samedi 12 décembre 2015 a été dévoilé l’accord de la COP 21 de Paris. De nombreux acteurs parlent de succès, d’accord historique. Qu’en est-il concrètement ? Ce jour est-il effectivement à marquer d’une pierre blanche ?

L’accord assemble une liste disparate de bonnes volontés. Sa crédibilité est réduite largement par le caractère essentiellement non-contraignant des promesses (INDC). Je crains que comme pour le Protocole de Kyoto, la suspicion mine rapidement la dynamique. Comme par le passé, certains pays s’arrangeront pour faire du « dumping environnemental », de manière à ce que les efforts des pays vertueux ne conduisent qu’à un transfert des émissions (et des emplois) vers ces pays irresponsables. L’accord ne résout rien dans le domaine des fuites de carbone, pourtant un sujet crucial.

La tragédie des biens communs se joue une fois de plus sous nos yeux. Face aux égoïsmes nationaux, on ne peut rien faire. Je salue les efforts des négociateurs français, mais contre cela, il n’y a pas grand-chose à faire.

Le succès n’est possible que si l’ensemble des acteurs économiques réalisent que les énergies fossiles n’ont plus d’avenir. Un accord international crédible devrait impliquer l’effondrement de la valeur des actifs bruns, les investisseurs essayant de se défaire de ces actifs dont plus personne ne voudra bientôt. L’inverse s’est passé cette semaine. Les indices « low carbon » ont sous-performé le marché. L’Arabie Saoudite et le Vénézuela ont exercé leur droit de véto à la référence à un prix du carbone en milieu de semaine, seul instrument crédible d’une politique cohérente et efficace pour lutter contre le changement climatique. La vérité est là sous nos yeux : les gens qui se trouvent derrière les marchés financiers, vous et moi, ne croyons donc pas à l’émergence dans les années à venir d’une politique climatique efficace au niveau mondial.

L’accord prévoit, à terme, une limitation de la température moyenne « bien en deça » de 2 degrés et de limiter la hausse à 1.5 degrés. Quels changements cela implique pour notre mode de vie ? S’agit-il de quelque chose d’efficace ?

Tout cela ferait sourire s’il ne s’agissait de notre destin collectif sur cette planète. Le débat sur les 1.5°C est une diversion pure et simple. Compte tenu de l’inertie du système climatique, il est quasi-certain qu’on ne tiendra pas les 2°C. On peut demander la lune. Encore fait-il s’en donner les moyens !

La clause de réévaluation périodique des promesses est une terrible preuve de faiblesse. On sait que les promesses d’aujourd’hui ne suffiront pas, même avec un objectif à 2°C, loin s’en faut. Pourquoi dans ces conditions attendre pour aller plus loin et plus fort ? Cet attentisme est mortifère, car il incite les pays à jouer la montre pour arriver en meilleure position dans la prochaine vague de négociation.

Qui « souffrira » le plus de cet accord ? Comment est-il vécu dans les différents pays réunis ?

Le drame de ces négociations, c’est que nous ne parvenons pas à faire comprendre qu’on peut déconnecter la question de qui doit réduire ses émissions de la question de qui doit payer pour ses efforts. Cette incapacité est dramatique parce qu’elle conduit à l’échec, les pays pauvres ne voulant pas participer à l’effort de réduction parce qu’ils pensent, sans doute avec raison dans les conditions actuelles, qu’ils devront payer eux-mêmes pour ces efforts. L’utilisation d’instruments économiques, comme une taxe carbone associée à des compensations, ou un système de permis négociables avec distribution de permis uniforme par habitant, auraient permis de combiner justice climatique, redistribution, et efficacité. Mais un tel système aurait transféré une charge financière trop forte sur les pays riches, qui ne veulent plus en entendre parler.

Finalement, les gagnants sont les générations actuelles, et les perdants sont les générations futures qui auront à porter le poids de notre irresponsabilité.

Ségolène Royale évoque une dynamique, estimant que cet accord « préfigure des actions très concrètes ». Qu’en est-il ? Quels sont aujourd’hui les fractures qui peuvent encore empêcher l’accord ?

Oui, l’accord va conduire à une myriade d’actions concrètes, et il faut s’en réjouir. Mais tout cela sera écologiquement très inefficace. Des actions écologiques très coûteuses seront faites ici, alors que d’autres quasi gratuite ne seront pas réalisées ailleurs.

A cette heure, on ne sait pas encore ce que le projet d’accord exprime sur la notion floue de « responsabilités communes mais différenciées », pierre d’achoppement de toutes les négociations climatiques depuis 20 ans. De même, après 2 semaines de COP, on n’a toujours pas clarifié le mécanisme de financement du Fonds Climatique, ni la répartition de ses dépenses entre réduction des émissions (qui intéressent surtout le Nord) et celles d’adaptation (qui intéressent le Sud). L’absence de consensus et de volonté dans ce domaine reste un danger mortel pour tout accord.

Christian GOLLIER

Une COP 21 à la hauteur de nos espérances

La COP21 s’est terminée au Bourget avec un « succès historique ».

Difficile de considérer que l’histoire s’arrête là. Il est certain néanmoins que plusieurs objectifs ambitieux ont été fixés:

  • le financement de 100 Md$/an du Fonds Climat destiné au saut technologique vers une économie dé-carbonée pour les pays en développement. C’était une des conditions majeures à respecter pour participer à la réduction des inégalités dans le monde. Son côt ne devrait représenter pour nous que 0,1% du PIB/an. Et en plus ce montant est un plancher qui devra être augmenté au-delà de 2025.
  • Limiter le réchauffement climatique « bien en deçà des 2 degrés et de poursuivre les efforts pour atteindre 1,5 degré ». C’était franchement inespéré.
  • « Chaque pays devra fournir tous les cinq ans des informations sur son plan de contribution nationale de réduction de ses émissions de GES ». Qui pouvait l’espérer? En sachant que la méthode bottom-up a permis d’obtenir les engagements nationaux (INDCs) de 180 pays l’ont fait, représentant plus de 91 % des émissions de gaz à effet de serre. Des pays comme le Burkina Faso, le Mali, se sont livrés pour la première fois à un exercice de prospective.
  • La COP « reconnaît le rôle important des incitations à la réduction des émissions », dont « la tarification du carbone ».  C’est clairement un des moyens d’aller vers un monde dé-carboné.
  • Et à cet accord inter-gouvernemental, il faut rajouter la mobilisation de la société civile, des ONG, du Pape, des entreprises, des villes (1000 annoncent 100% d’énergies renouvelables à l’horizon 2050).

« Les gouvernements ont posé les bases d’une action ambitieuse de lutte contre le changement climatique, mais les mesures doivent être immédiates », souligne-t-on au WWF.

« Nous sommes satisfaits de cet accord. Nous pensons qu’il
est équilibré et que nos intérêts sont pris en compte. »
GURDIAL SINGH NIJAR Porte-parole du groupe des pays en développement.

Bien sûr cela n’est que le début d’une histoire qui reste à écrire par nous tous. Mais sans cette décision, la situation serait encore plus dramatique.

Un mois après le sinistre 13 Novembre, Homo Sapiens Sapiens aurait-il atteint un nouveau stade d’Homo Sapiens Sapiens Ecologicus?

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