Sa Majesté des mouches W. Golding traduction 1953

Lectures Croisées du 29 novembre 2016 – par Nicole Gauthey

Le contexte : il s’agit ici du 3ème volet d’un cycle que le G.R.E.P. a intitulé Gouverner par la peur consacré a l’analyse du livre de Golding Lord of the flies 1956. Il se situe après le commentaire du film de Peter Brook par Alice Vincens et la conférence débat avec Carole Desbarrats intitulée Violence des images

1ère partie : biographie de Golding par Michel Lagoin

2ème partie : commentaire par Nicole Gauthey

Introduction :

Lire ce livre donne le sentiment constant qu’on ne l’avait jamais encore vraiment lu. C’est une surprise de découvrir l’actualité de ses thèmes : les dérives du pouvoir, l’esprit du mal toujours en embuscade, la fragilité de la démocratie, la menace toujours proche de la tyrannie, la violence (ici on sonne la fin de l’innocence enfantine)…

des thèmes d’une actualité vertigineuse.

Le crescendo dramatique fait de Sa Majesté des mouches un roman d’atmosphère où la mort ne cesse de rôder ; le tout porté par l’écriture de Golding, riche , précise aussi luxuriante que l’île tropicale qui sert de décor. En arrière-plan et en filigrane, par petites touches, la noirceur de son pessimisme devant une civilisation en crise.

Résumé de l’intervention en 3 parties :

1- Comment la progression dramatique porte et illustre la progression conquérante de la régression collective des enfants.

2- Lecture symbolique du roman :

  • comment les symboles éclairent la lecture, disent les choses sans les dire, nous invitent à la réflexion. Nombreux exemples : l’île, la conque, le totem, les vêtements
  • comment la littérature distille ce que le cinéma survole.

3- Lecture politique du roman :

  • peur et pouvoir sont très vite liés. Susciter de nouvelles croyances, les mettre en avant et les vivifier permet de faire s’éloigner les fragiles repères de l’éducation …
  • On assiste à l’émergence d’un chef, sa stature se précise, sa légitimité se fonde par les attributs qu’on lui accorde et les prérogatives qu’il doit assumer : comment prendre le pouvoir ? comment le garder ? Golding oppose le consentement démocratique à la soumission par l’autorité, la sanction, la menace.

C’est un tableau Shakespearien dans lequel rien ne manque : le tyran, la victime, le bouc émissaire , les compromissions pour garder l’appartenance au groupe, la solitude et la souffrance d’en être exclu.

Conclusion en 3 points

1- Le film peine à montrer la petite musique inquiète de Golding : pour lui, le mal est dans l homme. Alors que livre convoque en nous du sens , le film déploie peut être des images par trop explicites : le parcours initiatique de Ralph, la progression de la banalisation du mal puis son déni pur et simple , les contours trop flous du personnage de Roger, le plus Shakespearien des personnages d’enfants, une sorte de « second couteau » inquiétant, ourdissant des complots dans l’ombre … tous ces points soulignent que la littérature et le cinéma ont des formes d’expressivité qui leur sont propre et que le livre parvient mieux a convaincre par ses nuances et sa progressivité .

La fable politique de Golding dément a tout instant la blondeur et la beauté angélique des enfants. Si Golding choisit justement de mettre en scène des enfants , c’est pour mieux souligner son pessimisme sur la nature humaine. D’ailleurs il ne fait pas plus confiance aux adultes qui viendront les sauver.

2- Son livre démontre que la réussite du vivre-ensemble est improbable, que la bienveillance des uns pour les autres n’est qu’une construction fragile, que sans état, sans règles, sans lois, il n’y a pas de morale.

3- C’est la modernité des thématiques qui nous frappe : on pense au « Ruban Blanc » de Haneke. On y voyait que l’éducation par le dressage pouvait mener à des conduites qui s’incarnaient dans la nazisme des années 30/40 .

En tous cas, pour nous, aujourd’hui, nous ne pouvons que faire le lien avec ces jeunes autour de nous, élevés dans nos sociétés démocratiques qui peuvent eux aussi basculer dans cette violence « insoluble » dont parlait déjà Roland Barthes.

Nicole Gauthey novembre 2016

 

 

Publié le 13 décembre 2016, dans Programmation. Bookmarquez ce permalien. 1 Commentaire.

  1. Merci à Pierre pour avoir publié ce magnifique texte de Nicole Gauthey!

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :