GREP-MP. les premières conférences 2016 sur l’entreprise.
Les 2ème et 3ème conférences ont porté cette année sur l’entreprise, avec des points de vue très différents, mais pas forcément divergents. Il est intéressant de mettre en perspective ces 2 interventions :
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Louis Gallois – Enarque, Président de nombreux grands groupes.
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Thierry MERQUIOL – INSA – Président de Wiseed, start-up dans le crowdfunding.
Où en est l’industrie française ? Et si votre avenir était dans l’industrie.
Devant un public très jeune qui avait préparé des questions pertinentes, Louis Gallois, a décrit sa vision de l’industrie, qui se rapproche de plus en plus des services. En tant que Président du Conseil de Surveillance de PSA, il se voit comme devenir un fournisseur de mobilité !
L’industrie est nécessaire en France, elle génère 80% de la recherche privée, 90% de la balance commerciale. 1 emploi dans l’industrie génère 3 à 4 emplois de service.
En 2012, il a lancé un cri d’alarme sur la Compétitivité de l’industrie française. Ce rapport, remis au gouvernement Ayrault, a permis la coagulation d’une prise de conscience de la gauche autour de ce mot peu utilisé !
L’industrie ne pèse en France que 12% du PIB, la même chose qu’au Royaume-Uni… contre 22% en Allemagne et 17% en Italie. Nous avons 35000 robots, face aux 65000 en Italie et 160000 en Allemagne.
Des régions entières ont été dévitalisées suite à la désindustrialisation.
Gallois est Keynesien, mais conscient qu’une relance conduirait à un déferlement des importations.
Grâce aux politiques de l’offre suggérées par son rapport, les marges des entreprises se sont reconstituées. Actuellement, on ouvre plus de sites industriels qu’on en ferme !
La recherche française isolément est supérieure à la recherche allemande.
Il y a une effervescence de création de start-ups.
Mais il nous faudra au moins 10 ans de persévérance et de cohérence, car les autres courent aussi. Par la montée en gamme des produits, nous devons sortir de la dictature des coûts ! Michelin peut se permettre d’avoir des prix de 10% supérieurs à ses concurrents, du fait de sa marque, réputation, qualité et innovation.
Peugeot vendait 7 à 8% moins cher que VW, avant le VWGate ! Depuis VW a dû baisser ses prix.
Financement :
Gallois :
Il faut orienter l’investissement non vers la capacité mais vers la modernisation et le numérique.
Les taux de crédit sont bas, l’argent est disponible, mais Bruxelles refuse les aides sectorielles, d’où le caractère large du CICE ou du CIR (Crédit d’Impôt Recherche). La procédure de sur-amortissement qui coûte 400M€/an à l’état a été très efficace pour cibler l’investissement industriel.
L’épargne en France est forte (16%) mais est dans l’Assurance Vie qui représente 1500Md€, et est essentiellement en Bons du Trésor, sans risque. Il faut l’orienter vers les start-ups!
Merquiol:
Pour lui, le stock d’Assurance Vie est de 1600Md€ (chiffre proche).
On génère 1Md€ par jour d’épargne.
400 M€/an vont dans 443 PME (start-up déjà établies).
175 M€/an vont dans de nouvelle start-up, dans leurs 1ères phase de levées.
Seulement 1 business plan sur 100 trouve le financement !
Pour les start-ups, il faut arriver à passer la « Vallée de la mort » (equity gap). Passer de l’épargne stérile à l’« Espace d’expérimentation» de l’épargne fertile.
Épargne de proximité permet de participer au développement de sa région et de trouver de la rentabilité.
Merquiol nous parle du poids colossal du pouvoir de Bercy et de l’inspection générale des finances.
En, 2013, il a passé 1 an à négocier à Bercy le statut des sociétés de crowfunding qui a failli disparaître en 2012 ! il a eu le soutien de Fleur Pellerin et de Pierre Moscovici… Certes la loi permettant l’opération du crowfunding est passée, mais les décrets d’application en ont réduit la portée : les actions à droit préférentiel ont été exclues…. Le lobby bancaire est passé par là… et le corps des énarques de la « Botte », proches des Banques.
Le Crowdfunding dépasse déjà en financement les business angels.
Il est prévu qu’il représente 1000 Md$ en 2020 au niveau mondial (poids du Crowlending aux USA). Aujourd‘hui il représente 300 M€ en France, il devrait passer selon les scénarios entre1,2 Md€ à 9Md€ en 2020.
Système de formation :
Pour Gallois, notre système de formation est faible surtout en primaire et secondaire. Ne touchez pas aux écoles d’ingénieur qui marchent bien, mais souffrent du manque de vocations.
La formation professionnelle est insuffisante, il faudrait former 2 fois plus d’apprentis, pour accompagner la montée en gamme de nos produits. La formation continue qui représente 30Md€/an présente des défauts lourds. La formation des formateurs a 15 ans de retard ! Le numérique, la relation client sont insuffisants.
Les initiatives privées sont à fédérer : ex l’école42 de Xavier Niel.
Parmi les constats :
- Seulement 25% des PME considèrent le numérique comme stratégique. Profonde erreur !
- Les GAFAM imposent leurs standards. Allions nous avec les Coréens et les Japonais, pour les contrer.
- Le gros problème de financement des PME est au 3ème stade du Private Equity, quand il s’agit de lever 50 à 100M€. Facile aux USA.
La confiance
Ne pas tout le temps tout réformer. Se concentrer sur les réformes dont on a besoin.
Simplifier l’environnement réglementaire. En UK, quand on rajoute un règlement, on en supprime 2, en Allemagne, on en chiffre les Coûts/Bénéfices.
Notre créativité fiscale est sans équivalent.
Le dialogue social
Il faut embarquer tout le monde ! En Allemagne les syndicats sont partie prenante du projet « Usine 4.0 ».
L’entreprise est le lieu de création de biens communs. Il faut sortir de la défiance entre les acteurs sociaux, en proposant des possibilités de carrière aux syndicalistes.
Débat Gallois.
Q: Le Revenu universel n’est-il pas une solution à la robotisation ?
R.: Il doit y avoir un lien entre revenu et travail. Louis Gallois préside la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) – qui comprend Emmaüs qui est pour le Revenu Universel. Lui souhaite une transformation des minima 11 sociaux en un seul. Derrière le Revenu Universel, il y a des approches différentes : des ultralibéraux à Hamon. Avec 500€/mois, ce qui n’est pas assez pour vivre, il faudrait déjà consacrer 300Md€/an. A 1000€/moi, on passe à 600Md€, soit la totalité du budget social, maladie compris.
Le think Tank « La fabrique de l’Industrie”, qu’il préside aussi vient de publier un rapport sur « Travail industriel à l’ère du numérique. Se former aux compétences de demain » http://www.la-fabrique.fr/fr/publications/
Q : L’Europe
R : Elle ne fait pas son travail. Certes elle finance des dossiers de R&D lourds, mais :
- Pas politique de l’énergie: cf France/Allemagne.
- A la doxa de la concurrence pour la défense des consommateurs. Aujourd’hui, on ne pourrait pas refaire Airbus !
- Ouvre l’Europe sans contrepartie ! Par exemple en 6 mois les US ont multiplié les droits de douane des aciers chinois (sous dumping). L’Europe n’a rien fait.
- Le TTIP est déséquilibré : il ne permet qu’un accès aux marchés publics fédéraux US et pas aux marchés des Etats.
- Les sanctions secondaires contre l’Iran ont été levées, mais pas celles qui implique le $ ! On est des bisounours en Europe.
A l’époque n’avait pas été favorable à une application brutale des 35H. Mais aujourd’hui, c’est engrangé et on ne pourra pas revenir dessus. Traitons plutôt l‘amélioration de l’apprentissage, en donnant plus de pouvoirs aux régions qui doit faciliter le déplacement, le logement pendant les stages.
Débat Merquiol.
Wiseed a 1500 demandes/an. 500 sont présentés à la foule (via le Web). En financent 150/an.
Les orientations sont divers et couvrent les technologies, mais aussi l’Économie sociale et solidaire, les Coopératives.
Quel taux de succès ? Actuellement seulement 5 sociétés ont disparu.
Le principe est une création d’une holding par Wiseed. Un pacte d’actionnaire leur permet d’être présents au Conseil d’Administration de la société financée, pour lui apporter du conseil.
Quelle Fiscalité applicable ? …. Celle des plus-values.
L’affaire de l’Aéroport de Toulouse.
Wiseed a publié une page d’intention d’investissement.
BFM Business les a interviewé (Stéphane Soumier). En 15 jours ils ont eu 10000 promesses représentant 20 M€. Ont fait une offre pour les 10% de l’état.
La réaction : 3 coups de fils du DirCab de Macron. Leur a interdit, puis leur a dit qu’ils n’avaient rien compris…. Dette française étant ce qu’elle est, l’affaire devait se faire avec les Chinois.
Ont reçu par la poste une copie du Pacte secret entre l’état et les minoritaires chinois. Les réactions ont été vives avec un déni d’existence. Jusqu’au président du CESER qui les a traités de fous. Ce pacte est scandaleux : l’État votera comme le repreneur. Récemment l’actionnaire a obtenu une distribution exceptionnelle de dividendes de 15 M€ pris sur les réserves accumulées.
Merquiol, entrepreneur dans l’âme reste un anticonformiste et un optimiste invétéré!
Publié le 27 novembre 2016, dans Programmation. Bookmarquez ce permalien. 2 Commentaires.
Les deux conférences, très différentes l’une de l’autre, m’ont beaucoup intéressé mais ne m’ont pas entièrement satisfait. M. Gallois dresse un bilan de l’état de l’industrie actuelle, ses espoirs avec les start-ups, ses carences avec la formation et la fiscalité, mais ces dernières ne suffisent pas à expliquer les causes de sa perte de compétitivité.
Une des causes majeures est la carence de nos politiques industrielles. Dans les années 80, les gourous, très écoutés de nos politiques, prédisaient une société ‘fabless’ qui confierait la fabrication aux ateliers du monde et conserverait l’ingénierie et les services. C’était oublier que la fabrication génère des savoir-faire qui nourrissent les écoles, la formation et l’ingénierie. L’industrie française a laissé filer ainsi un énorme savoir-faire en externalisant sa production.
Une autre cause tient à la perte de confiance dans le contrat social qui lie les employés à leurs dirigeants, lequel a été largement vidé de son sens par le détournement massif de la richesse créée au profit des actionnaires dits spéculatifs (plus intéressés par le rendement à court terme des dividendes qu’à l’augmentation de la valeur de leur société via l’investissement à long terme). Sans confiance, pas d’envie d’innover, d’améliorer, de progresser. On ne gagne pas des batailles avec une armée qui traîne des pieds.
Enfin, toute une population est écartée de l’entrepreneuriat par la fiscalité. La barre est très hautes pour les jeunes entrepreneurs qui ne disposent pas d’une trésorerie conséquente au départ et sont donc obligés de s’endetter lourdement pour payer leur investissement. L’État taxant de la même façon les bénéfices d’exploitation, qu’il y ait emprunt ou pas (à la déduction des intérêts près), la classe aisée s’en trouve avantagée pour s’installer sur les marchés.
Des mesures simples viennent à l’esprit : i) diminuer les taxes sur les bénéfices des entreprises (augmenter leur compétitivité) et augmenter à proportion les taxes sur les dividendes et se sera un bien pour tous les autres si cela fait fuir les « investisseurs » spéculatifs. ii) Diminuer de la taxation des bénéfices une part des emprunts contractés.
Question subsidiaire : pourquoi la gauche n’y a-t-elle pas pensé ?
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Des remarques pertinentes!
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