L’adaptation au changement climatique par Marie LEFEVRE-FONOLLOSA
Le terme d’Adaptation dans le cadre du changement climatique est devenu un sujet polémique.
En effet, pour certains mouvements écologiques, l’adaptation est un renoncement à lutter contre les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES); l’adaptation précède d’après eux la survie.
DEFINITIONS
Adaptation : processus de modification d’un objet, d’un organisme vivant ou d’une organisation humaine de façon à rester fonctionnel dans de nouvelles conditions, ainsi que le résultat de ce processus (WIKIPEDIA)
Le concept d’adaptation est défini par le Rapport d’évaluation du GIEC comme l’ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse à des stimuli climatiques ou à leurs effets, afin d’atténuer les effets néfastes ou d’exploiter des opportunités bénéfiques (IPCC- AR5)
On rappelle ici que la notion d’adaptation est indissociable de celle de vulnérabilité : « la vulnérabilité au changement climatique est le degré par lequel un système risque d’être affecté négativement par les effets des changements climatiques sans pouvoir y faire face ». Par ailleurs, on parle de mal-adaptation lorsque un changement opéré par les humains conduit de manière non intentionnelle à augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire (par exemple la création de certains barrages hydrauliques destinés à la production d’énergie verte ont conduit à un déséquilibre agro-sylvo-pastoral et, dans certaines régions fragiles à une érosion irréversible des sols).
D’après les experts du GIEC, le réchauffement du climat est sans équivoque ; des changements profonds sont désormais inéluctables même s’il existe encore des incertitudes sur leur ampleur. Face au bouleversement du climat qui devrait affecter la santé des populations et de nombreux secteurs d’activités (agriculture, tourisme, bâtiments et infrastructures…), les experts appellent à engager dès à présent des actions dans les deux directions suivantes:
– en priorité l’atténuation, c’est-à-dire la réduction des émissions des gaz à effet de serre ;
– et, du fait de l’inertie du système climatique, l’adaptation des territoires au changement climatique.
Ces deux actions sont absolument complémentaires. Sans une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, on risque d’atteindre un seuil critique au-delà duquel l’adaptation pourrait devenir extrêmement difficile, voire impossible. Mais la démarche d’adaptation reste cependant indispensable et urgente.
Quelles sont les actions à mener ? Existe-t-il des stratégies à l’échelle européenne et nationale ? Quels en sont les acteurs institutionnels et de quels moyens disposent-ils ? Ces moyens sont-ils suffisants ? C’est à ces questions que nous essayons de répondre en nous appuyant sur les documents publics.
1- Les formes d’actions :
La notion d’adaptation spontanée correspond plus ou moins à des actions réalisées par les acteurs socio-économiques (sans intervention publique en référence au changement climatique) de manière indépendante sans coordination mais en utilisant des modes d’intervention souvent innovants. De l’autre côté, l’adaptation planifiée résulte de décisions stratégiques délibérées, fondées sur une perception claire des conditions qui ont changé – ou qui sont sur le point de changer – et sur les mesures qu’il convient de prendre pour revenir, s’en tenir ou parvenir à la situation souhaitée. Ce chapitre fait le point sur la démarche institutionnelle tant à l’échelle européenne que nationale; sa compréhension est essentielle pour prendre la mesure des plans d’actions et de l’évaluation des coûts.
2- Les principaux ACTEURS institutionnels de l’adaptation en Europe et en France :
L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) est une agence de l’Union européenne dont la mission est de fournir des informations fiables et indépendantes sur l’environnement. Elle constitue une des principales sources d’information pour tous ceux qui participent à mettre au point, adopter, mettre en œuvre et évaluer la politique environnementale, ainsi que pour le grand public. Actuellement l’AEE compte 33 pays membres et comporte 230 experts permanents. L’AEE publie des rapports à la demande de l’Union Européenne ou des structures nationales publiques ou privées (Par exemple : National adaptation Policy Processes -oct. 2014).
L’ONERC (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique) en France métropolitaine et dans les départements et territoires d’Outre-mer, créé par la loi du 19 février 2001, matérialise la volonté du Parlement et du Gouvernement de prendre en compte les questions liées aux effets du changement climatique. L’ONERC a notamment publié en 2005 son premier rapport qui pose les bases de la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique. Il publie également un document prospectif, « Le climat de la France au XXIe siècle », avec une actualisation régulière de ses projections (la dernière en septembre 2014).
3- Une démarche concertée allant de projets-pilotes au plan stratégique:
La démarche d’Adaptation a été enclenchée au niveau national par le Ministère de l’écologie à la fin des années 1990 notamment sous l’impulsion du fond de recherche GICC (Gestion et Impacts du Changement Climatique). Ce fond a permis notamment de financer des projets-pilotes de recherche sur des sujets émergents en matière d’impacts du changement climatique et d’adaptation.
La lutte contre l’intensification de l’effet de serre et la prévention des risques liés au réchauffement climatique sont reconnues priorités nationales par une loi votée à l’unanimité du Parlement en 2001 (article L229-1 du code de l’environnement). Les connaissances capitalisées par la communauté scientifique ont permis d’élaborer dès 2006 une stratégie nationale d’adaptation au changement climatique sur la base d’un ensemble d’informations et d’analyses robustes.
Ces travaux ont abouti en 2011 au Plan National d’Adaptation au Changement Climatique qui prolonge cette stratégie en programmant des mesures concrètes et opérationnelles. Celles-ci pointent tout d’abord la sécurité et la santé publique ; elles visent également à éviter les inégalités devant le risque, mais aussi à limiter les coûts et saisir les opportunités. Ce plan cherche enfin à préserver le patrimoine naturel.
Cette approche logique et incrémentale s’est aussi bien déclinée à l’échelle européenne que nationale et se propage dans les régions et les territoires; elle se décompose en 3 principales étapes schématisées ci-dessous et décrites dans les paragraphes suivants:
3A- Amélioration de la connaissance des impacts du réchauffement climatique
Les travaux de l’AEE sur la connaissance des impacts du réchauffement sont régulièrement publiés au niveau européen et déclinés par pays. Ces études présentent l’état de l’art et les projections sur le changement climatique en Europe, ainsi que les estimations de l’impact basées sur une série d’indicateurs. Les rapports évaluent également la vulnérabilité de la société, de la santé humaine et des écosystèmes en Europe ; on y identifie les régions d’Europe les plus menacées par le changement climatique. En outre, les rapports examinent les principales sources d’incertitude pour ces indicateurs et relèvent comment la surveillance et les divers scénarii peuvent améliorer notre compréhension du changement climatique, de ses impacts et des vulnérabilités qui en découlent.
Ces études ont conduit à l’édition du Livre blanc sur l’Adaptation au Changement Climatique présenté par la Commission Européenne en 2009. La première phase de la stratégie menée jusqu’en 2012 a posé les bases de l’élaboration d’une stratégie d’adaptation communautaire globale, à mettre en place à partir de 2013.
3B- Élaboration d’une stratégie européenne et nationale
La Commission européenne a présenté le 17 avril 2013 sa stratégie d’adaptation au changement climatique afin de mettre en œuvre les orientations du Livre blanc sur l’adaptation. Quelques mois après, le 18 juin 2013, le Conseil européen des Ministres de l’Environnement a adopté cette stratégie pour l’Union européenne.
En France, l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC), très en pointe sur le sujet, a publié dès 2007 le rapport sur la Stratégie nationale d’adaptation au Changement climatique qui exprime notamment le point de vue de l’Etat sur la manière d’aborder la question.
Voici un extrait de la conclusion de ce rapport : « L’adaptation aux conséquences du changement climatique demande à agir dans un contexte d’incertitude. Cette incertitude justifie d’autant plus le développement des recherches, des études et de l’observation, qu’il est d’abord nécessaire de connaître les menaces possibles et d’évaluer à la fois leur probabilité d’occurrence et l’ampleur des dommages encourus. Les contraintes financières, bien qu’encore mal connues aujourd’hui, seront sans doute dans certains cas telles que seul le retrait, de préférence en bon ordre, sera envisageable. Il faut également souligner que l’on n’anticipera sans doute pas tous les risques possibles, sans même évoquer des scénarios catastrophes attachés par exemple à un déroutement du Gulf Stream ou à un emballement du cycle du carbone. ».
3C- Passage de la concertation à la planification
Entre 2007 et 2009, les pouvoirs publics et l’ONERC ont consolidé l’estimation des risques, évalué les mesures à prendre pour les limiter et analysé les coûts induits. A partir de 2009, l’ONERC a organisé des conférences dans toutes les régions de France pour présenter ses travaux, inciter les régions à participer à la concertation nationale et prendre des mesures concrètes dans le domaine de l’adaptation au réchauffement climatique,
Le Plan National d’Adaptation au changement climatique (PNACC) présenté le 20 juillet 2011 par la ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, a fait l’objet en 2010 d’une vaste concertation conduisant à plus de 200 recommandations qui servent de base à sa réalisation. Conformément à l’article 42 de la loi du 3 août 2009 sur la programmation du Grenelle de l’environnement, ce plan a pour objectif de présenter des mesures concrètes et opérationnelles d’une part, afin de se préparer au niveau national, mais aussi permettre de tirer parti des nouvelles conditions climatiques. Le passage de l’échelle nationale à l’échelle régionale et locale est prévu ; en effet, ce plan doit être décliné dans les Schémas Régionaux du Climat, de l’Air et de l’Energie8, prévus par la loi Grenelle II et dans les plans Climat-Energie territoriaux.
Plus précisément, le PNACC se décline en 20 fiches actions portant notamment sur les sujets suivants : Santé, Eau, Biodiversité, Risques Naturels, Agriculture, Tourisme, Energie et Industrie, Financement et Assurance, Transport, Urbanisme…
Chaque fiche action comporte un objectif de haut niveau décrit en quelques lignes, il pose en un long paragraphe quelles sont les mesures phares et qui les pilote, puis, décrit les actions (3 ou 4, pas plus) à mettre en œuvre avec leur pilotes et leurs partenaires. Ci-dessous, Exemple de la Fiche-action Biodiversité (Extrait du PNACC):
4- Mise en œuvre et moyens économiques associés:
En France, le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) est le premier plan de cette ampleur publié dans l’Union européenne. Le budget initial pour le mettre est œuvre était de 170M€, réduit légèrement à 168 M€ en raison des récentes contraintes budgétaires.
Un bilan à mi-parcours du PNACC a été présenté le 16 janvier 2014 au Conseil National de la Transition Ecologique (CNTE). Il a montré une bonne progression malgré un contexte budgétaire difficile (source ONERC) :
- 92 % des actions prévues ont démarré ;
- 60 % du budget identifié a été engagé (soit un peu plus de 100 M€) ;
- 60 % des actions sont en phase avec les objectifs initiaux ;
- 5 % des actions ONT 2T2abandonnées ou ajournées pour des questions de pertinence ou d’insuffisance de moyens ;
- 35 % actions pourraient n’atteindre qu’une partie de leurs objectifs initiaux.
Au niveau Européen, la commission européenne veille à ce qu’au moins 20% des 960 milliards d’euros du budget 2014-2020 soit dédié au climat. D’autres possibilités de financement peuvent également être trouvées via la Banque européenne d’investissement ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Ce soutien vient s’ajouter aux fonds provenant des différents États membres de l’UE.
Des actions d’Adaptation au changement climatique sont intégrées dans toutes les politiques sectorielles de l’UE, et s’appuient sur une vaste panoplie d’outils financiers :
– d’une part, les cinq fonds structurels européens et de placement : l’European Regional Development Fund (ERDF), l’European Social Fund (ESF), le Cohesion Fund (CF), l’European Agricultural Fund for Rural Development (EAFRD), et l’European Maritime and Fisheries Fund (EMFF).
– d’autre part, d’autres instruments existent, comme le programme Horizon 2020 de support à la Recherche et Développement sur le changement climatique et l’adaptation, l’instrument LIFE, qui finance un large éventail de projets liés à l’environnement et à l’atténuation/adaptation au changement climatique, ou le Fonds de solidarité de l’UE pour les catastrophes naturelles.
En Synthèse,
La démarche d’Adaptation part d’un constat d’échec. La communauté internationale se mobilise depuis 1992 afin de limiter la forte croissance des émissions de gaz à effet de serre (GES), sans succès. En effet, la concentration des GES dans l’atmosphère globale n’a pas cessé de croître et, quoi qu’il arrive, le réchauffement global de la Terre va continuer durant les décennies à venir. Les êtres humains devront s’adapter pour vivre dans un climat dont la température ne va cesser d’augmenter avec des impacts dans tous les secteurs de notre vie.
La prise de conscience est inégale. Malgré une évolution certaine on ne peut que constater l’inégalité de prise en compte de l’enjeu de l’Atténuation dans le Monde et, par conséquent, car les 2 concepts sont étroitement liés, l’hétérogénéité des activités d’Adaptation sur les 5 continents. Les raisons sont diverses, entre climatoscepticisme, instabilité institutionnelle, croissance économique débridée, crise économique ou pénurie de moyens, notre interdépendance conduit à ce que l’effort de certains pays soit réduit à néant par l’inertie ou la politique agressive des autres. Il nous faut donc accepter de vivre dans l’insécurité climatique avec une incertitude certaine.
Pour faire face au défi de l’Adaptation, l’Europe et la France se sont indéniablement dotés d’une stratégie concertée et de moyens financiers. Le Plan National d’Action pour le Changement Climatique est pragmatique. Sa mise en œuvre est en cours et mobilise tous les acteurs institutionnels nationaux, les associations issues de mouvements citoyens et devrait toucher directement la population.
L’information des citoyens est-elle suffisante ? C’est la question que l’on peut légitimement se poser lorsqu’on constate le manque de connaissance de la plupart d’entre nous sur ce sujet, le quasi mutisme des medias dû notamment à la complexité de la question (le temps mis par l’équipe du GREP à digérer le rapport du GIEC n’est pas négligeable). Des actions éducatives de sensibilisation à grande échelle, simples et à forte portée devraient être mises en place à tous les niveaux de la société, à commencer par les écoles.
Le GREP fait le constat d’un manque certain de diffusion des connaissances face à un enjeu majeur qui transgresse les clivages politiques. C’est la raison pour laquelle il a décidé d’agir en 2014 et 2015 à travers des débats et des conférences thématiques comme celle qui a été organisée lors de La Novela d’octobre 2014 ou celles en préparation de la COP21.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE & LIENS CITES DANS LE TEXTE :
1 https://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml
2 http://www.eea.europa.eu/fr
3 http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Impacts-et-adaptation-ONERC-.html
4 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ONERC-livre_blanc.pdf
5 Stratégie Nationale d’adaptation au Changement climatique (ISBN : 978-2-11-006618-0) http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/ecologie/pdf/Strategie_Nationale_2.17_Mo-2.pdf
6 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ONERC-PNACC-complet.pdf
7 LOI n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (Voir sur site legifrance)
8 Schémas Régionaux du Climat, de l’Air et de l’Energie (voir wikipedia). Pour Midi-Pyrénées : http://www.midipyrenees.fr/Le-Schema-Regional-Climat-Air-Energie
9 Plans Climat-Energie territoriaux (PCET) : http://www.pcet-ademe.fr/
10 Bilan à mi-parcours du PNACC :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ONERC_Rapport_evaluation_mi-parcours_PNACC_VF_web.pdf
11 Financement cadre de l’Union Européenne :
http://ec.europa.eu/clima/policies/finance/index_en.htm
http://climate-adapt.eea.europa.eu/web/guest
Marie Lefevre-Fonollosa
Publié le 22 septembre 2015, dans Climat. Bookmarquez ce permalien. 1 Commentaire.
D’accord avec toi, Marie, pour la gouvernance du Climat nous pensons atténuation mais plus largement adaptation au changement climatique, ce qui veut dire se préoccuper aussi de la faim dans le monde, la transition énergétique, le manque d’eau, les problèmes de santé publique …. Car les deux aspects sont intimement liés.
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