Suite à l’échec du protocole de Kyoto, quelle stratégie nouvelle pour réussir Paris 2015 ? par André FERT
Le protocole de Kyoto et le marché carbone.
Le protocole de Kyoto est adopté en 1997 et entre en vigueur en 2005, assignant des objectifs chiffrés de réduction des émissions de GES (gaz à effet de serre) aux signataires (pays développés et économies en transition). Il correspond à une approche « top-down » voulue par les Européens : on définit un quota global de réduction des émissions de GES qui sera partagé en fonction des pays. Cependant les Etats-Unis, pays du libéralisme et de la régulation par le marché, imposent des mécanismes flexibles, les émissions de GES peuvent être échangées, au niveau mondial, par achat et vente de quotas d’émissions entre pays. Autre mécanisme flexible, celui dit de développement propre (MDP), permet aux pays industrialisés d’investir dans les pays pauvres, en échange de crédits carbone, dans le développement sobre.
Ces solutions de quotas et de marché carbone permettent de marier croissance et environnement, d’où la présence des économistes dans les conférences climat et au sein même du GIEC. Mais cette mise en marché entraine une déresponsabilisation des États quant aux préoccupations climatiques.
Les préoccupations sur le climat sont en échec devant la réalité de la marche du Monde.
Les attentats du World Trade Center en 2001 entrainent les guerres américaines en Irak (et en Afghanistan deux ans après). Manifestement les États-Unis sont très concernés par les pays du golfe en pensant à leur approvisionnement en pétrole afin de soutenir l’American way of life. Et donc le protocole de Kyoto entre en vigueur en 2005 sans les États-Unis.
En septembre 2008, la faillite de la banque américaine Lehman Brothers déclenche une crise économique très grave, et rejette au second plan les préoccupations climatiques. Les traitements médiatiques des événements du monde ne consacrent pas le changement climatique comme primordial. L’ouragan Katrina n’a pas mobilisé outre mesure l’administration Bush. Aujourd’hui les guerres au Moyen-Orient et les attentats terroristes font la une des journaux. Enfin l’abstraction scientifique des divers rapports sur le climat favorise son éloignement avec la réalité du monde. Comment comprendre les chiffres de plus en plus complexes utilisés au sujet du climat. Dernier terme apparu dans le vocabulaire des experts scientifiques : « les émissions de CO2 négatives »!
Mais l’arrivée de plus en plus fréquente d’événements climatiques extrêmes, tels que les typhons (aux Philippines, aux iles Vanuatu) ou les grandes sécheresses (en Californie même) commencent à alerter le monde sur la nécessité de gouverner le climat.
Quelle stratégie nouvelle utiliser pour « gouverner le climat » ?
Il apparaît nécessaire d’effectuer un changement d’échelle, l’important résidant dans les engagements volontaires qui auront lieu dans chaque pays, région, ville, ou groupement citoyen et non dans la tentative top-down, imposée par la gouvernance Onusienne, de fixer de manière contraignante des quotas carbone. En tout cas, l’émergence d’un marché mondial des quotas carbone, dictée en haut lieu, avec un prix unique, est en échec depuis la COP 15 de Copenhague. Aucun pays ne voudra négocier à Paris un prix de carbone unique étant donné la position de retrait des États-Unis (cf. l’opposition du Congrès). La stratégie doit être déclinée de manière très différente. L’idée forte étant celle d’initiatives multiples venant de différents territoires ayant conscience du problème climatique et prêts à un engagement responsable.
Cette solution différente est déjà amorcée aujourd’hui, à commencer par l’engagement responsable des États. En avril 2015, 33 pays ont répondu au Secrétariat de la Convention Cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) l’instance des négociations multilatérales. Les engagements nationaux sont très différents d’un pays à l’autre : les 28 États européens (baisse d’au moins 40% des GES entre 1990 et 2030, 27% d’énergies renouvelables, 27% d’économies d’énergie), la Suisse, la Norvège, le Mexique, les Etats-Unis (réduction de 26% à 28% des émissions entre 2005 et 2025), la Russie (25 à 30% de réduction des émissions entre 1990 et 2030). L’ensemble de ces réductions ne serait pas anodin car ces pays représentent 1/3 des émissions totales.
Les grands médias s’emparent aussi du sujet de gouvernance du climat, offrant un autre niveau d’intervention. Deux exemples peuvent être cités : le grand quotidien britannique « The Guardian » lance la campagne « Keep it in the ground », et « 350.org », une ONG américaine, propose à tous les signataires de participer à l’effort de diminution du taux de GES dans l’atmosphère, afin de passer le taux de CO2 de 400ppm à 350ppm (d’où le nom de 350.org).
Pour maitriser le climat, une première question doit être mise au centre des débats : que faire des réserves d’énergies fossiles restantes dans le sol ? Eh bien, 80% des ressources fossiles connues et disponibles doivent rester sous terre si nous voulons éviter une catastrophe (alors qu’elles sont déjà valorisées par les grands groupes énergétiques). C’est une véritable bombe sous terre !
Deuxième question, comment réduire ou supprimer les subventions aux énergies fossiles ? A défaut d’influer directement sur l’extraction, il est possible de s’attaquer aux subventions directes et indirectes qui continuent à être versées en faveur des énergies fossiles (estimées à 5300 milliards de dollars par an). Une suppression des subventions ferait chuter l’extraction de 5%, réduisant du même coup les émissions de GES de 2 milliards de tonnes par an, soit 1/3 des réductions nécessaires pour rester dans la limite des 2°C. De la même manière, les villes dont la pollution devient inquiétante et qui détiennent des actions et des obligations émises dans le secteur pétrolier, peuvent désinvestir ce secteur des combustibles fossiles (idem pour les banques, des institutions, des collectivités territoriales…). Les promoteurs de cette attitude sont les villes de San Francisco, de Seattle, de Paris (en cours) et aussi des universités comme Stanford ou la Fondation Rockefeller.
Pour conclure, espérons que la COP 21 donne l’impulsion nécessaire à un changement de vitesse concernant l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, la baisse des subventions liées aux énergies fossiles, la transformation des politiques urbaines (logement et transport), de l’agriculture, des régimes alimentaires, sans oublier le « Fonds Vert » pour les pays en développement.
Le GREP-MP conforte l’idée d’un changement d’échelle des interventions pour maitriser le climat. L’approche top-down a montré ses limites. La stratégie sera celle d’initiatives multiples venant de différents territoires (pays, régions, villes, médias, ONG et citoyens) ayant conscience du problème climatique et prêts à un engagement responsable. Le GREP-MP incite la Région Midi-Pyrénées à prendre un rôle actif dans l’ONG R20 créée en particulier par la Californie et l’Ile de France : http://regions20.org/
André Fert
Publié le 21 septembre 2015, dans Climat. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.
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